Descente en trail, attention les dégâts !

En trail et ultra-trail, la descente est souvent perçue comme une phase de récupération et quelque chose de « facile » à faire, notamment chez le débutant. Certes, au niveau cardio-respiratoire l’intensité baisse dans la majeure partie des cas,  mais au niveau musculaire, articulaire et parfois osseux il en est tout autrement avec de grosses contraintes qui ne sont pas sans conséquence sur la suite de l’épreuve mais aussi parfois au niveau de la santé.

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Contractions musculaires excentriques

Pour faire assez simple, le muscle est composé de plusieurs fibres musculaires elles-mêmes composées de filaments de protéines d’actine et de myosine. Lors de la contraction musculaire, ces filaments d’actine et de myosine « s’attachent » et coulissent l’un par rapport à l’autre. Lorsque l’on court à plat, après s’être attaché il y a un bref moment où les extrémités des filaments s’éloignent (contraction excentrique) avant de se rapprocher (contraction concentrique). C’est ce que l’on appelle une contraction pliométrique (excentrique puis concentrique sans temps d’arrêt).
En descente, de par la gravité et dans la majeure partie des cas, la réduction de la poussée, la phase excentrique devient plus importante et complètement dominante. Cet « étirement » de la fibre en phase de contraction peut créer à plus ou moins court terme des micro-lésions qui peuvent être préjudiciables pour la suite de la course.

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Gestionnaires plutôt que cascadeurs

Ces micro-lésions seront bien évidemment dépendantes :

  • d’un côté de la vitesse : plus la vitesse est élevée, plus la force sur l’impact est important donc plus la contraction excentrique est forte ;
  • et de l’autre de la phase de freinage sur le début de l’appui : pour freiner il n’y a d’autre solution que de contracter un muscle propulseur (mollets, quadriceps, fessiers essentiellement) de manière excentrique.

Ainsi pour éviter ces lésions il faudrait donc ne jamais prendre de vitesse pour ne pas avoir à se freiner et ne pas mettre trop de force sur l’appui. Ce qui n’est pas vraiment le but d’une compétition…!
Si vous êtes sur une course qui ne comporte qu’une seule descente finale, les « problèmes » musculaires apparaîtront majoritairement après la course se manifestant par de la fatigue musculaire et des courbatures ; mais cela n’impactera que très peu votre résultat final. Bien sûr dans ce cas-là votre capacité à descendre vite dépendra de vos habiletés techniques, de votre résistance musculaire, votre engagement mental et aussi de vos qualités physiologiques.

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Par contre si votre épreuve comporte plusieurs montées et descentes successives, vous aurez tout intérêt à vous préserver un minimum pour pouvoir remonter correctement dans l’ascension suivante.
Sur les longues distances, la meilleure qualité du descendeur sera donc la gestion de son potentiel musculaire plutôt que de vouloir essayer de gagner du temps à tout prix. Car, gagner du temps dans une descente peut souvent être synonyme de grosse perte de temps dans la suite de l’épreuve (beaucoup plus importante que le temps gagné en descente).
En effet une fibre lésée ou en partie lésée est capable de produire beaucoup moins de force qu’une fibre encore assez intacte. Donc plus vous endommagez vos fibres (en qualité et en quantité) plus vous perdez de la force pour la suite du parcours et ceci est irrémédiable. Pour des fibres très endommagées, le temps de récupération peut aller jusqu’à 3 semaines. Difficile donc de se « refaire » pendant la course !

En pratique, quelques astuces

Afin de ne pas perdre trop de temps, il faudra trouver un compromis entre la vitesse de déplacement et la préservation de votre capital musculaire. Pour cela , je vous conseille de :

  • essayez de mettre beaucoup de fréquence gestuelle pour réduire la force des impacts au sol (mais cela vous sera bénéfique également pour bien appréhender la technicité des descentes)
  • ne vous laissez jamais embarquer par la gravité mais sans trop freiner non plus. Pour cela anticipez vos trajectoires et maitrisez votre vitesse
  • essayez de trouver du relâchement pour minimiser la phase excentrique.
  • et surtout renforcez vos fibres musculaires pour qu’elles deviennent plus solides et qu’elles soient moins impactées par ces contractions excentriques. Plus vous serez « solide » plus vous pourrez descendre vite en limitant la « casse de fibre ». Pour cela il va vous falloir « léser » vos fibres pour qu’elles se reconstruisent plus solides. En effet les fibres musculaires sont particulièrement adaptables dans ce domaine.

 

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Crédit Alexis Berg

En résumé pour « limiter les dégâts » en descente, on peut donc conseiller :

  1. Bien sûr de de s’entraîner en descente 😉
  2. De se renforcer à l’aide d’exercices de pliométrie – voir notre article sur le renforcement musculaire
  3. De se renforcer en salle de musculation avec des charges lourdes en contractions excentriques.
    Attention malgré tout ; ce travail est comme vous l’aurez compris assez traumatisant et il vous faudra à la fois respecter les temps de récupération importants entre les séances et surtout à l’approche des compétitions et y aller avec beaucoup de progressivité.
  4. Faites de la proprioception et renforcez aussi vos muscles stabilisateurs de toutes les articulations sollicitées (cheville, genou, bassin) afin de limiter les mouvements parasites ainsi que les risques de blessures

Enfin pour conclure, en plus des répercutions musculaires, l’excès de descente peut avoir des effets néfastes à plus ou moins long terme sur votre système articulaire (pied, cheville, genou, bassin, dos…) et osseux ; et cela peut parfois être durable voire irréversible. Le conseil que l’on peut donner c’est donc une grande prudence et mesure dans ce domaine, l’objectif étant de se renforcer, pas de se détruire !

Évitez donc les excès et les blessures qui vont avec !

 

Julien Rancon