La SaintéLyon 2017, récit d’une édition dantesque !

Kévin Guillotte du team Terre de Running Lyon nous fait le récit de sa SaintéLyon. Une première participation réussie qu’il a terminé.

Lors de la préparation de ma saison, la SaintéLyon n’était pas incluse dans mon programme … L’issue de l’édition précédente m’avait refroidie. En effet malgré une bonne préparation, j’étais passé totalement au travers de mon sujet pour finalement finir dans le bus au km 41 à St Genou-Le camp. Je m’étais dit « non c’est fini, cette course n’est pas faite pour moi, l’organisation laisse à désirer et la foule c’est pas trop mon truc ».

Finalement un an plus tard, me revoilà sur cette ligne avec pour objectif de la finir cette fois-ci. Rien de plus, ainsi pas de préparation particulière, pas de pression, l’envie est juste de se faire plaisir et de prendre ma revanche face à cette course mythique.

Nous sommes le samedi 2 décembre 2017, il est 23h29, le compte à rebours du speaker débute « 10…9…8… » bon c’est bon on y est, la marche arrière n’est plus possible … retour sur cette aventure qui démarre avec le traditionnel retrait du dossard; ce sera le dossard 6028 cette année.

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samedi 2 décembre : les fauves sont lâchés …

La journée passe rapidement, le temps de préparer son sac, de déjeuner, de faire une bonne sieste et pouf il est l’heure de partir. Ma famille était de passage à Lyon cette semaine et j’ai donc le luxe d’être accompagné au moins jusqu’au départ. Ce qui est loin d’être anodin comme je vais l’évoquer un peu plus tard. Il est 19h30, nous arrivons sur Saint Etienne pour le diner.
L’attente commence à ce moment à être longue. Le temps passe très lentement … Il est 21h30, je file vers la ligne de départ, j’ai besoin de passer au moment d’après. Je suis le 2ème coureur à arriver sur la ligne. Ça fait bizarre honnêtement mais en même temps c’est assez sympa. On commence à discuter avec le coureur en place, on trouve un carton pour s’asseoir par terre. Il se passe une bonne heure où le traileur me raconte son histoire sportive.
Mes parents me retrouvent, on discute, ça me permet de rentrer progressivement dans ma course. En parallèle je me prépare. Ah oui j’avais oublié d’indiquer que je m’étais couvert en mode skieur (combinaison de ski, bonnet, gants, etc.) ! Là intervient le luxe d’être accompagné. Il est 23h25 et je retire mes dernières couches chaudes.
Par contre, je vais courir seul cette nuit, je n’aurais pas retrouvé mes acolytes de mon club, le Saône Mont d’Or Nature. Il va falloir lutter seul face ce temps hivernal.
Il est 23h30 tapante, c’est parti ! L’image vu de l’extérieur est magnifique !

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Dimanche 3 décembre : Entre Enfer et Eden …

Acte I : Saint-Etienne / Saint-Christophe-en-Jarez (16 km, D+531, D-228)

La sortie de St Etienne, c’est 7 km de bitume. L’enjeu est assez simple à énoncer, difficile à appliquer : ne pas céder à l’euphorie, faire sa course sans s’occuper des autres. Cette portion a été avalée en 30’. Rapide, un bref instant de doute s’installe mais je me sens à l’aise, pas du tout en détresse respiratoire, quelques mots échangés avec un concurrent pour s’en assurer. Me voilà rassuré, il faut que je me fasse confiance, courir aux sensations est la clé de la réussite. Je le sais, il me faut continuer à appliquer ce plan et tout ira bien.
Puis place à 9 km de sentiers pas vraiment techniques, des montées linéaires et pas vraiment pentues (1 montée de 1,5 km pour D+180). De quoi se mettre en jambes et d’arriver tranquillement à St-Christo-en-Jarez, km 16 (en à peine 1h20’). Je me rends compte que j’ai bien levé le pied dans les sentiers, c’est une bonne chose.
La vue est magnifique, c’est à peu près ceci que cela donne.

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La nuit est claire, le fait d’être parti en « tête » de course fait que je me retrouve seul très régulièrement. Je suis surpris, je ne m’y attendais pas du fait du nombre de coureurs au départ. La magie de la course commence à opérer, je me sens bien.
Je continue mon chemin sans m’arrêter au ravito.

Acte II: Saint-Christophe-en-Jarez / Sainte-Catherine (12 km, D+302, D-404)

Nous montons sur des crêtes et sommes bien exposés au vent. Ça y est je me souviens d’un truc : il fait froid ! Au point que les tuyaux de mes gourdes ont gelé. Je ne peux plus boire. J’essaie différentes techniques pour remédier au problème. Je me suis vite résolu au fait que c’était cuit ! Pas de panique, ce n’est pas grave, il faut rester focus sur la course. Les passages enneigés obligent à la vigilance. L’avancée n’est pas forcément difficile mais sait-on jamais. La confiance est là, je me relâche, je lâche 2 mots à un bénévole à une intersection, et BAM c’est la chute !!! Violente, inattendue, la cheville a vrillée, je m’inquiète. 2 coureurs s’arrêtent pour m’aider à me relever. C’est reparti au petit trot, j’entame la descente, les appuis sont fuyants, ce n’est pas top.
En bas de la descente c’est le ravito de Ste-Catherine, il arrive au bon moment. Je regarde ma montre 2h34’. Je peste contre moi-même, j’ai l’impression que c’est trop rapide, c’est quasiment le même temps que l’an dernier au même endroit. Mais je croise des regards de concurrents déjà pas en super forme, je me dis que moi ça va très bien donc c’est bon, j’oubli cette pensée négative très vite et me reconcentre sur l’essentiel. Mes gourdes et ma cheville. Une bénévole me les plonge dans l’eau bouillante servant à l’élaboration du thé, problème résolu. C’est reparti, la cheville a l’air de tenir. Finalement la douleur se dissipera rapidement, cela me rassure.

Acte III : Sainte-Catherine / Saint Genou-Le Camp (13 km, D+433, D-507)

Une pensée commence à m’animer : celle de passer sous la barrière des 7h. Cela me parait tout à fait abordable. Autant vous dire qu’elle s’est envolée aussi vite qu’elle est arrivée.

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Ce fut la partie du parcours la plus compliquée, celle qui vous fait vous fait dire que jusqu’ici tout allait peut-être trop bien … Les montées et surtout les descentes étaient verglacées, je suis tombé un nombre incalculable de fois. Même à l’arrêt j’ai trouvé le moyen de chuter ! ça n’a pas été une partie de plaisir, je suis frustré d’autant plus que je me suis fait dépasser par une bonne vingtaine de coureurs qui semblaient super à l’aise. Les parties enneigées sur le bas-côté qui auraient permis de stabiliser les appuis étaient assez peu nombreuses, il a donc fallu composer avec cet enfer.

L’ironie du sort est que c’est précisément dans cette descente du Bois des Marches que j’avais précisément décidé d’abandonner l’an dernier. Décidément cette partie du parcours n’est pas faites pour moi. J’arrive au ravito de Saint-Genou le Camp en 4h04, soit un temps passé sur cette portion de 1h40. Bien trop long ! La barrière des 7h n’est plus envisageable. Dommage.
Malgré cela, physiquement ça va toujours. La douleur à la cheville est oubliée, je me rends bien compte que j’ai de la chance d’être sorti indemne de ces chutes à répétitions.

Et là croisement de zombies ! Je ne m’attendais pas à ça. Un certain nombre de coureurs étaient vraiment dans le mal. Assis à même le sol, la tête dans les genoux, tu te dis qu’il y en a quelques-uns pour qui c’est fini. Je bois un verre d’eau pétillante, sur ce laps de temps très court je me fais alpaguer par un gars qui me demande combien de km il reste … Il avait le regard perdu, vous savez le même regard que votre pote à 5h du mat en sortie de boite de nuit qui ne se sent pas bien du tout et qui a besoin d’être rassuré. Dans ces moments-là vous ne pouvez pas mentir alors je lui ai répondu aussi sec « environ 30 bornes mec mais t’inquiète ça va aller » … En toute honnêteté la fin de la phrase était de trop, je l’ai vu dans son regard et ses mots l’ont confirmé « tant que ça … ». A mon avis sa course s’est arrêtée là.
Une nouvelle fois j’ai pris conscience que j’allais bien, les 30 derniers kilomètres ne vont être qu’une formalité. D’autant plus qu’un bénévole m’indique que le verglas et la neige c’est fini.

Acte IV : Saint Genou-le Camp / Soucieu-en-Jarrest (11km, D+240, D-483) & Acte V : Soucieu-en-Jarrest / Chaponost (10 km, D+163, D-242)

2h06’ pour boucler ce semi. Soit 10 km/h tout rond. Efficace sur cette portion, passages aux ravitos dignes d’un arrêt au stand en F1. Les sensations sont à leurs paroxysmes. « Ça déroule » comme dit dans le jargon. Je ne me trompe pas puisque sur cette portion je gagne 40 places. Je profite de chaque instant du mieux que je peux, j’essaie de valider le pourquoi du comment du je suis ici et ce que je viens rechercher ! Au bout de 6h de course l’esprit se relâche, je me laisse aller.
Si je devais retenir 2 moments dans la course permettant d’expliquer pourquoi nous sommes tant de fous à prendre le départ de ce type d’événements, je dirais que le 1er est l’arrivée sur Saint-Christophe-en-Jarez au km 16 où la beauté de l’endroit parle d’elle-même.
Le 2nd est ce qui peut se passer dans la tête. Ce moment est subjectif, propre à chacun et difficilement explicable. C’est ce qui s’est passé entre Saint Genou-le Camp et Chaponost. Lorsque j’ai pris conscience de cela, je me suis dit que la course que j’ai vécue était pas loin d’être parfaite. Il fallait que cela dure ainsi jusqu’à l’arrivée.

Actes VI : Chaponost / Lyon (12km, D+281, D-386)

Arrêt bref une nouvelle fois au ravito. Sur strava, la différence entre le temps écoulé et mon temps de déplacement durant la course est de 5’30’’. En retirant les chutes et les moments de flottement sur les parties verglacés, je pense que le temps moyen passé aux différents ravitaillement (au nombre de 5 sur le parcours) est bien inférieur à 1’. Ce qui prouve bien que ma forme était au rendez-vous et que ma gestion de course était optimale.
Mes jambes se réveillent et me rappellent qu’elles viennent de barouder pendant 62 km et 6h14 de temps. Ma décision est rapide et est consécutive à mes pensées des 2h qui viennent de se passer. Je lève le pied, mon objectif est de bien finir, tranquillement, en trottinant dans les dernières montées (dont la dernière le long de l’aqueduc romain aux pourcentages allant de 16 à 18 %).
Je remets un peu d’énergie sur les 3 derniers km pour essayer de finir sous les 7h30. Pari réussi puisque le temps officiel est de 7h29’38’’ ! 162ème au scratch ce qui est satisfaisant.

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Quelle conclusion ai-je de cette expérience ?

J’ose dire que j’ai fait très peu d’erreurs durant ce parcours et que j’ai pris ma revanche suite à mon abandon de 2016.
J’ai su comprendre les raisons de cet échec et en tirer les conséquences. Tout ceci m’a été utile durant toute cette année et surtout lors de cette SaintéLyon.
Ainsi il n’est pas forcément nécessaire pour franchir un obstacle d’être physiquement à 100%. Il faut surtout mener le sujet à son rythme et prendre les imprévues avec philosophie.
Malgré les conditions extrêmes de cette édition et finalement mon inexpérience sur ce type de distance (c’est la 1ère course de plus de 50 km que je termine), j’ai pris beaucoup de plaisir et j’ai pu me découvrir encore un peu plus. N’est-pas cela l’essentiel ?