La féminisation du running : mode ou véritable phénomène de société ?

 

Hey, les gars, ne partez pas (en courant) ! Ce sujet vous concerne aussi puisque vous êtes de moins en moins majoritaires sur les lignes de départ. Les femmes aiment le running et n’hésitent plus à chausser les baskets et même à épingler des dossards. Mode ou véritable phénomène de société ?

Depuis une vingtaine d’années, le running est l’activité sportive qui connaît le plus fort développement. Nous serions aujourd’hui 13,5 millions à courir en France et la proportion de femmes a considérablement augmenté. A tel point que certaines courses voient parfois les hommes devenir minoritaires sur la ligne de départ alors que les épreuves en question sont bel et bien mixtes !

Fitbit Semi de Paris - 06/03/2016 - Paris - France
Fitbit Semi de Paris – 06/03/2016 – Paris – France

Pourquoi les femmes aiment-elles autant courir ?

  • Une activité accessible

Peut-être parce que la course à pied est une activité peu onéreuse qui peut être pratiquée n’importe où et n’importe quand. Que l’on soit seul ou en groupe, que l’on vive à la ville ou à la campagne, que l’on soit équipé de la dernière tenue à la mode ou des plus vieilles baskets du monde, on peut courir.

  • Un sport sain

De plus, ces dernières années, on a vu se multiplier les campagnes de promotion du « sport santé ». Particulièrement sensibles aux questions de bien-être, les femmes ont tellement bien saisi le message qu’elles ont opté pour le sport le plus pratique : le running. Pas besoin de pousser la porte d’un club de fitness (et de payer l’abonnement qui va avec), pas besoin de se rendre dans une infrastructure spécifique, pas besoin non plus de s’épuiser totalement pour profiter des vertus de l’activité. Même en mode « tranquille », la course à pied mobilise tout le corps, brûle des calories, affine la silhouette et contribue au système cardiovasculaire. Bref, que des bénéfices en un minimum de temps et avec un minimum d’argent !

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  • Un réseau social

Pour le sociologue du sport Patrick Mignon, la course à pied est également une opportunité de développer son réseau social, qu’il soit réel ou virtuel. « Le sentiment d’appartenance à un ensemble plus vaste – la communauté des coureurs – constitue une incitation et un soutien à la pratique », affirme l’expert.

  • Le plaisir avant tout

Si les femmes sont de plus en plus nombreuses sur les lignes de départ, elles ne sont pas pour autant en quête de performance. Patrick Mignon rappelle que « le calendrier propose des courses très variées, dont celles qui épousent des causes caritatives ou féminines – telle la lutte contre le cancer du sein. » Dans ce cas, le dossard ne correspond pas le moins du monde à la recherche d’une performance, mais il incarne un engagement.

  • L’affirmation féminine

Pour le sociologue du sport, la féminisation du running correspond aussi à « une forme d’affirmation de la femme dans un sport initialement réservé aux hommes ». Si les femmes aiment courir entre elles – comme l’illustre le succès des épreuves 100 % féminines – elles apprécient aussi de trotter avec les hommes. Certaines n’imaginent pas une seule seconde prendre le départ d’une course féminine et trouvent dans les courses mixtes une vive source de motivation, l’homme restant dans nos sociétés la valeur étalon.

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Les femmes savent d’ailleurs que le machisme a la peau dure dans le monde du sport. Si certains coureurs encouragent celles qui courent plus vite qu’eux, nombreux sont ceux qui ne supportent pas de courir moins vite qu’une femme. « Un homme se sent dégradé quand une femme réalise une meilleure performance sportive que la sienne car la femme a toujours été considérée, dans nos sociétés, comme moins forte, moins capable. Il y a une arrogance et une supériorité masculines de fait, mais pas de réalité car la femme peut réaliser de grandes performances elle aussi », explique Dominique Simoncini, préparateur mental.

Quid du succès des courses 100 % filles ?

Le succès des épreuves exclusivement féminines ne se dément au fil des ans et tend même à s’accentuer. D’une part, se retrouver entre filles est rassurant. D’autre part, ces épreuves sont placées sous le signe du loisir plutôt que de la performance. Enfin, la rivalité entre les deux sexes est totalement absente et le peloton tout entier se retrouve uni par un esprit de corps et une volonté de partage. « Les femmes trouvent dans ces courses une dimension ludique, sans la pression et le stress provoqués par la testostérone des hommes », précise Dominique Simoncini.

L’essor du « girls’ power »

Ceci dit, l’espèce de prise de pouvoir des femmes sur certaines épreuves – que ce soit en nombre, notamment les distances courtes en trail et sur la route, ou en performance, notamment sur certains ultras – dénote un changement de mentalité : de moins en moins complexées, de plus en plus avides d’acquérir de la confiance en elles et d’affirmer leurs capacités physiques et mentales, les femmes hésitent moins qu’auparavant à se lancer dans une activité sportive et à s’inscrire à une compétition. Sans tomber dans le féminisme, il semblerait que les femmes prennent conscience de leur valeur.
Et tout simplement de leur droit à pratiquer, elles aussi, un sport qui procure un sacré plaisir !

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Marie Paturel