Millau, suite et fin. Après la prépa, le bilan ! Brillante et souriante finisher des 100 km de Millau en 10h20, notre ambassadrice Sophie revient sur le déroulé de sa course partagé avec sa binôme en vélo. Dans la tête un métronome Régulier, de mes pieds à mon crâne. Et ma respiration s’accorde au rythme. Padabam. Padabam. Une foulée après l’autre. Sur la longue ligne droite qui mène vers le viaduc. Je me concentre sur ce tempo. Un œil à ma montre. J’ai repris le rythme que je m’impose sur plat. 85 km de course. Les jambes répondent, à 5’35 du kilomètre, je suis bien. Marie en retrait le sait. Elle a confiance. Depuis le début de la course, ma précieuse accompagnatrice à vélo décrypte avec une bienveillance et une intelligence rares tous les signaux que je lui envoie ; un signe de la main, un sourire, un hochement de la tête. Elle lit en moi, elle court avec moi et je me laisse porter par sa réconfortante présence. 15 kilomètres. La montée du viaduc et puis la redescente. Millau enfin et les deux avenues finales, tout en faux plat montant, qu’il faudra courir, le nez dans le bitume pour ne pas penser, surtout ne pas penser, que cette histoire sublime prend fin et que je suis si bien, vraiment, tellement, que je voudrais tout à la fois courir encore pour prolonger l’histoire et puis m’arrêter là pour lui dire tout ce que j’ai retenu, tout ce qu’elle me donne, toute l’émotion tapie, là, dans le cœur. Si j’y pense je pleure. Et si je pleure je ne respire plus. Respire. J’étais prête. J’ai préparé Millau comme un saut dans le vide. Je plonge avec assurance dans cette épreuve inconnue. Un premier 100. Je le voulais fluide, rond, évident. Je l’imaginais dur, qui peut dire avec certitude que la route sera facile ? Avoir conscience de l’épreuve est une marque de confiance en soi. Je n’occulte rien. Je fais face et j’avance, entourée des gens que j’aime et qui m’ouvrent la voie. Une vie. 100 km. Millau. Les mois d’été facilitent ma préparation. Randonnée, course, vélo. J’alterne les activités et chaque sortie, accompagnée ou non, a son propre objectif. La montagne m’apaise et lorsque je monte en force à un rythme soutenu au pied d’un glacier des Alpes, je prends le temps de contempler la majesté des aiguilles Alpines, un couple de vautours sur le piton rocheux, la forme des nuages et le miroir d’un lac noir. Sur les étendues vierges des plages d’Atlantique, j’ôte mes chaussures et sur l’ourlet des vagues brisées, je cours longtemps vers le fil inatteignable d’un horizon galbe. A vélo, je m’impose une trace, et comme en courant, un tempo. Je vais parfois au pied d’une pente et après chaque montée et chaque redescente, comme un petit Poucet, je pose un gravillon sur l’appuis d’une fenêtre. Je refuse de savoir, si il fera chaud, si ce sera beau, froid, laid, gris, lisse, rugueux venteux ou lumineux. Case après case, quatre fois dans la semaine, entre mes ordinaires, je coche les séances. Éric, mon entraîneur, discrètement me pilote. Il a écrit un plan. Il sait que je tiendrai. Il est de ces personnes qui n’imposent jamais rien, mais il suffit d’un mot, d’un geste ou d’un regard pour qu’un accord tacite s’impose entre nous deux. Depuis qu’on se connait, il entend mes désirs, il comprend mes manquements et lit dans mes blessures. Je ne suis pas athlète, j’ai mes enfants, des devoirs et le peu de mon temps que je consacre au sport, je veux l’employer bien, parfois vers un objectif, parfois juste pour souffler et m’évader un peu. Mais aujourd’hui je veux, et il sait que je peux. 10 heures et trente minutes. C’est ce que je me suis fixée. Pour les 100 de Millau. Millau en binôme À trois semaines de l’échéance je n’ai pas de suiveur. C’est la règle à Millau, on peut courir en binôme. Compagne, mari, ami, frère, fille ou entraineur. L’engagement ne se fait pas à la légère. Tête et jambes, il faut penser la course à deux. J’hésite, je tergiverse. Éric ne pourra pas, il préside le club, et il est bien trop occupé. Et puis les autres amis, pris dans leur propre vie. Et puis il y a Cédric, mon compagnon, que je voudrais à mes côtés mais que la vie tourmente et qui se donne à ses enfants cabossés, père et maman, corps et âme. Je me tourne vers l’inconnu. Millau, saut dans le vide. Le salut viendra des réseaux sociaux. Elle s’appelle Marie, un sacré pedigree, et nous n’avons besoin de rien d’autre que de quelques paroles échangées. Le pacte est scellé sur une bière bien fraîche et dix éclats de rire. Vélo chargé. Panier. Profil de la course, allures dans le crâne. Météo parfaite. Steph et Seb, précieux et généreux amis qui nous accueillent avec un second binôme font de cette soirée d’avant course un instant d’amitié, de détente et de paix. Aveyron. Samedi 9 heures. Je suis sereine, reposée et infiniment heureuse d’y être. Dans la tête un métronome. Pour la première fois, en 7 années de courses hasardeuses, je m’élance sur une épreuve avec retenue. Millau, je pars en promenade. 7 kilomètres, Marie est là. Vogue. Rythme de croisière. La vallée du Tarn est magnifique. Le ciel du matin voilé de gris se déchire sur des trouées de lumière et les villages perchés de la vallée allument un à un les pierres dorées des clochers. Je cours le marathon à une allure uniforme de 5’30 du kilomètre. Si je ralentis parfois, c’est par crainte de boucler trop rapidement cette première partie de course. Je respecte ma feuille de route à la virgule et je ne sens pas les courbes de la chaussée. Pendant presque 4 heures, nous avançons avec les mêmes compagnons de voyage. Alain, triple vainqueur de Millau qui à l’heure de la retraite enchaîne encore des 100 bornes comme on