Renforcement musculaire : Sautez le pas !

Pour beaucoup de coureurs, l’hiver ou la reprise après une période de coupure (article consacré à la coupure annuelle) est souvent synonyme de PPG (Préparation Physique Générale).

Ce terme de PPG est un peu « fourre-tout », on peut finalement y mettre beaucoup de choses. Cela peut aller des bases physiologiques, au travail de renforcement de la ceinture abdominale et lombaire en passant par de la technique de course mais aussi du renforcement spécifique des membres inférieurs. Au cours de cet article je vais m’attacher à vous montrer l’intérêt de ce dernier paramètre et vous donner quelques illustrations.

C’est l’hiver, misez sur le « renfo » musculaire !

Des muscles performants pour exploiter le moteur

Même si on a souvent l’impression que pour courir et essayer de courir vite sur quelle distance que ce soit, il faut courir ; cette condition est bien sûr nécessaire mais pas forcément suffisante.
Sans rentrer dans les détails physiologiques et biomécaniques très pointus ; à l’image d’une voiture à laquelle il faut un bon moteur mais aussi de bons amortisseurs, de bons pneus, une bonne transmission, chez le coureur c’est un peu la même chose. Il lui faut un bon moteur (le système cardio-vasculaire) mais la qualité de pied, l’efficacité et la résistance du muscle dans différentes formes de contraction, le système de transmission des forces… sont autant de facteurs déterminant dans la performance ou la recherche de progression personnelle.

Petits rappels :
Le muscle est composé de plusieurs fibres musculaires, elles-mêmes composées de filaments de protéines d’actine et de myosine. Lors de la contraction musculaire, ces filaments d’actine et de myosine « s’attachent » et coulissent (ou non) l’un par rapport à l’autre.
Ainsi il existe quatre types de contractions musculaires : Isométrique, concentrique, excentrique et pliométrique :

  1. isométrique : les deux filaments s’attachent sans mouvement, il n’y a pas de variation de la longueur du muscle. Par exemple lorsque l’on fait la « chaise », le muscle de la cuisse (quadriceps) se contracte de manière isométrique.
  2. concentrique : les deux filaments s’attachent et les extrémités du muscle se rapprochent, le muscle se raccourcit : lors d’une foulée, lors de la poussée le quadriceps se contracte de manière concentrique
  3. excentrique : les deux filaments s’attachent et les extrémités du muscle s’éloignent : par exemple lors d’une foulée, pendant la phase d’amortissement, le quadriceps se contracte de manière excentrique, le muscle s’étire. C’est cette phase qui engendre des lésions musculaires importantes.
  4. pliométrique : c’est une phase excentrique suivie d’une phase concentrique sans temps d’arrêt : le muscle s’étire puis se contracte en restituant une partie de l’énergie élastique qu’il a accumulé lors de la phase excentrique.
conseils renforcement musculaire

Description, intérêts et illustration du renforcement musculaire

Lors de la foulée, les muscles propulseurs se contractent de manière pliométrique : excentrique durant la phase d’amortissement puis concentrique durant la phase de propulsion.

=> Sur le plat ces deux phases sont plus ou moins équilibrées, mais avec la pente la contraction musculaire change.

=> Ainsi, en montée, la phase excentrique (d’amortissement) diminue au fur et à mesure que la pente augmente et la contraction musculaire devient prioritairement et parfois même exclusivement concentrique, ce qui nécessite un niveau de force plus important.

=> En descente, c’est l’inverse, la phase concentrique, de poussée, diminue avec l’augmentation de la pente et la phase excentrique d’amortissement augmente et devient largement prioritaire. Cette phase excentrique est très nuisible pour le muscle car les fibres musculaires s’endommagent, on dit qu’elles « cassent » et deviennent donc moins efficace.

Vous comprenez ainsi tout l’intérêt du renforcement musculaire mais on voit bien aussi qu’il pourra prendre des tournures ou des orientations différentes en fonction de la course que vous préparez ou de vos éventuels points forts et points faibles.

Flexion … extension !

La pliométrie se présente ainsi comme un des moyens les plus intéressant pour se renforcer quand on est coureur à pied de manière générale. C’est un travail assez facile à mettre en place, même s’il faut être très vigilant sur les postures, et qui se pratique avec le poids du corps et pas ou peu de matériel.

Le double intérêt de ce travail c’est qu’il sera très spécifique par rapport au mode de contraction et qu’en l’orientant on pourra le rendre à dominante concentrique ou excentrique.

  • La phase concentrique nous permettra d’augmenter notre niveau de force
  • la phase excentrique va rendre les fibres musculaires plus solides et plus élastiques. Plus on emmagasine d’énergie, plus on peut en restituer et donc plus on est efficace, on compare souvent le muscle à un ressort

De manière générale, la pliométrie, ce sont ce que l’on appelle communément des bondissements.
Il existe tout un tas d’exercices : rebonds pieds joints, cloches pieds, foulées bondissantes, sauts de grenouille, saut d’obstacles, demi squats sautés, sur une jambe, sur deux jambes, bonds latéraux, rebonds….

Les muscles principalement sollicitées seront les extenseurs et fléchisseurs de la jambes : mollets (jumeaux + soléaire), quadriceps, fessiers et ischios.
De manière générale, moins il y aura de flexion de cuisses et plus l’action du pied sera importante et plus le travail sera axé sur les mollets. Plus il y a de flexion et plus les muscles de la cuisses/fesses sont sollicités. De la même manière plus il y aura de flexion, plus la phase excentrique sera importante et plus il y aura d’extension plus la phase concentrique sera importante. Par exemple, lors de sauts de grenouille, les quadriceps sont très fortement sollicités à la fois en excentrique (ce sera donc un exercice très traumatisant) et en concentrique alors que lors de de rebonds avec une faible flexion entre les cuisses et les mollets ils le seront dans une moindre mesure contrairement aux mollets.

Vers le Haut ou vers le Bas

Grâce à ce type de travail, il est possible d’orienter sa séance du côté concentrique en travaillant en montée ou dans des escaliers par exemple. La chute étant moins haute, la phase excentrique sera ainsi diminuée. Le travail dans des escaliers permettra également de jouer sur le rapport fréquence/amplitude et donc sur le niveau de force ou la vélocité.

A l’opposé, on peut orienter le travail sur la phase excentrique en exécutant les exercices en descente ou en augmentant la hauteur de chute avec des plinths, bancs ou autre petit matériel.
Dans les deux cas, on peut aussi accentuer la difficulté en augmentant son propre poids à l’aide d’un gilet lesté ou d’autres petits objets lestés.

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Attention courbatures à l’horizon !

De par sa phase excentrique ce travail se révèle assez – voire même très – (dans le cas de la pliométrie lourde) traumatisant et crée des lésions musculaires. Cette « casse » musculaire créera ainsi une inflammation qui se traduira très souvent (notamment au départ) par des courbatures. Mais c’est cela qui va engendrer une adaptation importante.

Le maître mot sera donc la progressivité. Progressivité dans l’ampleur des flexions, des hauteurs de sauts mais aussi dans la charge globale de travail. On privilégiera ainsi des exercices en escaliers dans un premier temps pour progressivement aller vers du travail à plat puis éventuellement vers plus de hauteurs pour les coureurs experts.

Ces exercices de bondissements demandent également un solide gainage pour être bien effectués et la ceinture abdominale et lombaire est très sollicitée. Vous vous en rendrez compte rapidement car si vous vous attendez logiquement à avoir des courbatures sur les muscles des jambes le lendemain d’une séance de bondissements, vous serez également surpris d’avoir des tensions dans les abdominaux.

Créer votre propre circuit-training !

En pratique je vous conseille, de procéder par petits circuits de 4 à 6 exercices en alternant les ateliers.

Dans un premier temps avec un nombre de répétitions faible et un nombre de tours restreint (3 à 4) qui grandira au fil des séances (jusqu’à 10). La récupération entre chaque exercice pourra quant à elle se réduire (de 1’ au départ à 15’’ en fin de cycle). Vous pourrez ensuite passer à des circuits où vous groupez les répétitions d’un même exercice pour plus d’efficacité.

Asseyez-vous avant de sauter !

Le travail purement isométrique comme on le voit souvent sur l’exercice dit de la « chaise » pourra être intégrer à un circuit de bondissements. Ce mode de contraction permet d’atteindre des niveaux de force supérieurs au mode de contraction concentrique. Il peut être utilisé en pré-fatigue. Ceci va permettre un gain de force mais présente aussi quelques inconvénients puisque lors d’une contraction isométrique le muscle est mal vascularisé et les gains observés sont surtout valables dans l’angulation spécifique à l’exercice (malheureusement, ou heureusement d’ailleurs nous ne courons pas assis). Cet exercice ou ce mode de contraction doit donc être couplé, à mon sens, à un exercice dynamique (rebonds, bondissements).

Grimper fort / descendre vite

Pour les coureurs « nature » un renforcement plus spécifique pourra être fait pour progresser en montée avec du travail concentrique avec des niveaux de force plus élevés à l’aide de machine avec charges. En jouant sur la charge et sur le nombre de répétitions on pourra orienter la séance vers la force max, la force explosive, l’endurance de force….

Même si l’endurance de force est le travail vraiment spécifique pour les courses longues, un gain de force max ou de force explosive peut aussi avoir un intérêt dans une période éloignée des compétitions. Les exercices comme le squat, la presse, le leg curls, leg extension seront particulièrement adaptés.
Le développement de l’endurance de force pourra également être réalisé sur vélo qui est un bon moyen de jouer également sur le niveau de force grâce au braquet.
Le travail excentrique pourra lui aussi être réalisé en salle avec des charges lourdes en freination. Celui-ci s’avère très intéressant en gain de force mais aussi très traumatisant au niveau musculaire et articulaire. Il est donc à manier avec grande précaution et il demande un peu d’expertise personnelle ou d’accompagnement.

Quelques exemples d’exercices

Profitez de l’hiver pour vous renforcez

Ce travail de préparation générale est à réaliser en priorité à distance de vos échéances importantes. En effet de par les lésions qu’il engendre et les temps de cicatrisation totale et donc d’adaptation qu’il nécessite, évitez les séances lourdes à l’approche de vos compétitions.

Dans une logique de planification on ira du travail général vers le spécifique. Une séance tous les 10 jours voire par semaine est nécessaire pour voir des adaptations appréciables dans une phase de développement. Mais même dans une période de maintien des acquis il vous faudra effectuer quelques rappels réguliers au moins toutes les 3 à 4 semaines pour éviter des désadaptations non négligeables. Le gros indicateur de ces adaptations/désadaptations étant bien évidemment la présence ou quasi- absence de courbatures

Pour conclure, le renforcement musculaire est quelque chose de très vaste et qui peut prendre des formes très variées et différentes. Il reste malgré tout à manipuler avec précaution et demande beaucoup de progressivité pour optimiser les adaptations musculaires. C’est cependant un axe de développement très intéressant et souvent négligé, quelles que soient les courses que l’on prépare. Il peut également avoir un impact souvent positif sur votre appui et votre foulée et donc sur votre coût énergétique. Nous reviendrons sur ce travail technique lors d’un prochain article.

Julien Rancon