Trail blanc : s’y préparer et éviter les blessures

Autrefois dédiée à la récupération, à la régénération et à la préparation foncière, la saison hivernale devient à présent une saison pleine pour un grand nombre de traileurs. En témoigne l’engouement croissant pour les trails blancs dans tous les massifs de l’hexagone. Pourtant, le côté ludique de la pratique ne doit pas masquer les nombreux écueils inhérents à une pratique sportive hivernale : froid, blessures, chutes, déshydratation…

Spécificités du trail blanc

Les trails blancs se sont imposés depuis une dizaine d’années pour devenir des épreuves populaires et relevées. Pour autant, même si les distances sont moindres que sur les trails estivaux, on aurait tort de croire qu’ils peuvent se courir à la légère, sans préparation particulière. Bien au contraire, une préparation spécifique est nécessaire pour faire face aux contraintes de la course à pied sur neige et dans le froid. Il est clair que les risques de blessures sont accrus en raison de l’instabilité des appuis et des températures très basses. Comment peut-on alors optimiser sa préparation et son équipement pour conserver intacte la griserie de la course sur neige ?

Comment lutter contre le froid?

3 manières simples : les vêtements, l’alimentation et l’effort physique.

Comme le signale le Docteur Herry*, médecin à l’Ecole de Ski et d’Alpinisme de Chamonix, la solution vestimentaire réside dans la superposition des couches. Il faut respecter pour cela le principe des 3 couches transfert, isolation et protection.(voir notre article « comment s’habiller pour courir l’hiver« )

  • La 1ère couche, près du corps, transfère l’humidité de la transpiration à l’extérieur. Eviter absolument le coton et préférez le polyester et d’autres tissus techniques qui respirent et sèchent rapidement.
  • La 2ème couche isole le corps et préserve sa chaleur.
  • Quant à la 3ème couche, de type coupe-vent, elle protège des intempéries. Si elle est indispensable à l’entraînement et à l’échauffement, on peut s’en dispenser en compétition.

A chacun de trouver la bonne combinaison de couches (1 et 2 ou 1 et 3, voire 1,2,3 ) selon les conditions météo et sa propre physiologie.
Pour le bas, le collant est indispensable car même en cas de temps clément, les projections de neige et de glace sont fréquentes.

Truc indispensable : il faut savoir se déshabiller en fonction de l’intensité de l’effort pour éviter une importante sudation, permettre l’évacuation de la sueur et échapper ainsi à la déshydratation, facteur reconnu de refroidissement.
Pour compléter la panoplie, n’oublions pas une paire de gants légers et un bonnet car les extrémités du corps sont très sensibles au froid en raison du phénomène de vasoconstriction.

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Alex Daum, team Terre de running, spécialiste du trail blanc

 

Côté alimentation : pensez à vous hydrater régulièrement car la sécheresse de l’air en montagne accentue la déperdition d’eau. Il faut donc veiller à rester dans un état d’hydratation optimal, au-delà de la sensation de soif qui est moindre l’hiver.

Pour éviter les mauvaises surprises dues au gel, protégez votre camel-back. Un truc : glissez-le sous vos vêtements et protégez le tuyau par du néoprène.
A l’arrêt, le frisson – moyen naturel de lutte contre le froid du corps qui augmente la production de chaleur – est grand consommateur de glucides. La part de glucides lents doit donc augmenter dans l’alimentation pour maintenir élevé le stock de glycogène. Restez couverts avant l’échauffement et enlevez des couches au fur et à mesure que votre corps produit de la chaleur par l’effort. Hydratez-vous, même à l’échauffement, par petites gorgées.

L’avis du spécialiste : Dr Jean Pierre Herry, médecin de l’Ecole Nationale de Ski et d’Alpinisme de Chamonix.

Quels sont les moyens du corps humain dans la lutte contre le froid ?
Le corps humain dispose de moyens efficaces pour lutter contre le refroidissement :
*En limitant les échanges avec le milieu extérieur : c’est la vasoconstriction qui diminue le flux sanguin chaud (37°C) vers les extrémités très exposées au froid.
* En augmentant la production de chaleur, soit par une activité physique volontaire, soit par le frisson, la quantité de chaleur produite étant suffisante pour réchauffer le corps.
La mise en jeu de ces 2 moyens de défense permet à la personne exposée au froid de se protéger efficacement et d’éviter l’installation d’une hypothermie.

Comment faciliter la lutte contre le froid ?
En mettant des vêtements adaptés à l’environnement et à l’activité.
Les caractéristiques du parfait vêtement isolant seraient :
* d’être composé d’une matière isolante,
* d’emprisonner de l’air qui est un excellent isolant,
* de couper du vent,
* de rester sec tout en évacuant la sueur produite au moment de l’effort.
Réunir toutes ces qualités en un seul vêtement n’est pas réalisable, mais en superposant plusieurs couches de vêtements, on peut obtenir une excellente protection contre le froid tout en conservant des qualités de confort.

Comment s’alimenter par grand froid ?
Il n’y a pas d’aliments spécifiques pour lutter contre le froid.
Le frisson épuise rapidement les réserves de glucides, qui sont, contrairement aux graisses, très limitées. Il est donc important de maintenir un stock suffisant en glycogène, en consommant aux repas plus de glucides (à assimilation lente) que d’habitude, et en ayant dans ses poches des barres énergétiques.
La sécheresse de l’air en montagne accentue la déperdition en eau. Il faut veiller à maintenir un bon capital hydrique en absorbant régulièrement des boissons.

Comment se chausser ?

Le sol en trail blanc est très variable : neige dure, neige tassée, glace … Il faut donc de l’accroche.

Ainsi, il faut proscrire absolument les chaussures de route à semelle lisse. Chaussez de préférence un modèle trail avec forte accroche, voire des chaussures à pointes pour des distances courtes. Enfin, de nombreux coureurs optent pour le système Yaktrax qui permet de fixer des chaînes métalliques sous ses chaussures habituelles et de passer partout (si l’enneigement est total).
Etre bien chaussé évitera des glissades intempestives et des dérapages latéraux souvent dramatiques pour les adducteurs.

Dans le cas de neige fraîche, ce sont les ischios et les quadriceps (muscles de l’arrière et de l’avant des cuisses) qui vont être fortement sollicités et nous verrons plus loin comment se préparer à ces difficultés.
Dernier conseil pour l’équipement, les guêtres. Sur des épreuves dépassant l’heure de course, il est judicieux de se munir de guêtres imperméables afin d’éviter les rentrées intempestives de neige et de glace dans les chaussures et les chaussettes. Cela peut entraîner des gênes et des brûlures désagréables.

 

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Surveiller sa fréquence cardiaque !

La foulée sur neige est spécifique et s’acquiert naturellement avec la pratique. Elle se différencie de la foulée régulière sur bitume.

Sur terrain glissant – neige, boue ou sable – la foulée se fait plus courte, plus fréquente et le temps d’impulsion au sol plus bref afin d’éviter les appuis fuyants. Les pulsations cardiaques montent donc plus rapidement. Veillez à gérer votre départ sous peine de vous retrouver dans le rouge au bout d’un kilomètre, la Fréquence Cardiaque Maximale pouvant être vite atteinte ! L’altitude peut également modifier le ressenti d’effort et pousser à la faute.
En montée, si ça glisse, ne pas s’affoler, ralentir, écarter davantage les appuis au sol, tirer sur les bras (ou les bâtons) et rechercher un équilibre respiratoire. Dans une neige fraîche, le déploiement de force est nécessaire pour compenser l’absence de renvoi élastique. Il faut donc réduire sa vitesse pour ne pas évoluer à des intensités trop élevées.
La fréquence cardiaque constitue donc un bon indice à surveiller car la progression en milieu instable brouille les repères habituels.

Comment se préparer physiquement

Pour éviter de terribles courbatures post-course et des traumatismes musculaires et articulaires plus graves, il est indispensable de se préparer physiquement pour les trails blancs.
L’idéal est de pouvoir s’entraîner dans la neige car c’est là que vous pourrez régler votre foulée et prendre tous vos repères. Vous y apprendrez à monter (foulée courte et fréquente) mais aussi à descendre en neige fraîche (talon en premier pour amortir le poids du corps) comme en neige damée (pied plus à plat).

Courir sur neige est une véritable activité de proprioception. En quelques centièmes de secondes, votre pied doit vous renseigner sur la nature du terrain et vous permettre d’adapter la phase d’amorti et de soutien. Mais la plus grande partie des traileurs n’habite pas la montagne et beaucoup doivent se contenter du bitume et de la piste pour préparer les échéances hivernales.

  • 1er conseil : intégrer des éducatifs et de la Préparation Physique Générale dans votre entraînement hebdomadaire.
  • 2ème conseil : intégrer des descentes rapides dans vos séances pour faire travailler spécifiquement vos ischio-jambiers.
  • 3ème conseil : Avant l’épreuve, réalisez un échauffement complet de 40 mn avec footing, éducatifs, accélérations.

 

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Emmanuel David lors du trail du Ventoux 2016, un parcours souvent enneigé au sommet

 

Pour résumer, vous profiterez pleinement du plaisir de courir sur la neige dans des paysages grandioses si :

  • Vous vous préparez physiquement aux contraintes du trail blanc pour éviter courbatures et blessures.
  • Vous vous habillez et vous déshabillez en fonction de la température et en respectant le principe des 3 couches.
  • Vous vous hydratez régulièrement et protégez l’eau du camel du gel.
  • Vous vous alimentez de manière conséquente en glucides lents.
  • Vous vous chaussez selon la nature du terrain pour éviter glissades et pieds trempés.

 

Pascal Balducci, entraineur-chercheur, coach du team terre de running

 

*Bibliographie: Alimentation en montagne -Eléments de stratégie nutritionnelle par le Docteur Jean-Pierre Herry
Ecole Nationale de ski et d’Alpinisme 74400 Chamonix Mont-Blancwww.ensa.jeunesse-sports.fr/medical