Nutrition en course : Comment préparer sa stratégie à l’entraînement

Comme nous avons eu l’occasion d’en parler lors du précédent article, il est temps de revenir sur la préparation d’une stratégie de nutrition en course. Le sujet aurait sans doute pu être abordé plus tôt, car la saison est déjà bien lancée, certes.

Mais il faut avoir conscience d’un fait d’importance : une mauvaise stratégie pardonne d’autant plus facilement que la course est courte. On peut donc considérer que nombre d’entre nous ont déjà fait des courses relativement longues (si, si, plus de 20 km c’est déjà long !), en se contentant de choix nutritionnels tout à fait anarchiques. Mais pour beaucoup, le programme de la saison comprendra des formats représentant des temps de course de plus de 5 à 10 heures… et parfois plus encore. Et c’est justement là que la question se pose.

Supporter des aigreurs d’estomac sur les 10 derniers km du marathon de Paris, c’est encore faisable… mais traîner des ballonnements, entrecoupés de diarrhées ou de vomissements, alors qu’il reste encore 40 km ou parfois plus, c’est carrément masochiste. Les problèmes qui apparaissent au 30° ne feront à priori qu’empirer par la suite, il convient donc de prendre quelques dispositions.

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Choisir au mieux les produits d’effort ?

Il faut déjà faire des choix éclairés, et c’est tout le but de cet article. Il importe de préciser les réalités scientifiques qui soutiennent ma réflexion, car on pourra tout à fait trouver des informations divergentes sur la toile :
– Tout d’abord, le rôle de la boisson d’effort n’est pas d’assumer l’apport énergétique nécessaire pour sa réalisation, mais avant tout de favoriser l’hydratation.
– Comme j’ai eu l’occasion d’en parler, l’eau seule est mal absorbée comparativement à une association de différents types de glucides, d’électrolytes et d’acides aminés.
– Ensuite, ces nutriments permettront de protéger l’intestin, organe particulièrement sensible aux situations d’effort, tout en ralentissant, il est vrai, la vidange des réserves de glycogène.

La formule ?

Donc pour commencer, il convient de choisir une boisson complète (maltodextrines, glucose, fructose, un peu de protéines très digestes comme par exemple de lactosérum, sodium, potassium, magnésium, vitamines B1, 2, 3 à minima, vitamine C et E). Le reste n’est pas forcément sans intérêt, mais il semble logique de se focaliser sur l’essentiel avant tout.

J’aurai sans doute l’occasion de revenir sur l’utilité des protéines dans une boisson d’effort, mais pour d’autres avant moi elle ne fait aucun doute. Leur rôle n’est pas d’améliorer la performance, mais de ralentir la vidange des réserves de glycogène, et de favoriser une épargne des protéines musculaires. Ce sera d’autant plus intéressant que l’on programme des courses de formats longs.

La saveur ?

Un aspect crucial est celui des saveurs. Il faut essayer autant que possible de les choisir légères, en tout cas attrayantes, variées si l’on doit les utiliser sur de longues durées. Le marché est abondant, presque trop, et le choix en la matière offre de grandes libertés, mais les promesses d’un fabricant ne cherchent à répondre qu’à des critères très personnels. Pour cette raison particulièrement, il faut impérativement tester chaque produit d’effort, plusieurs fois, en situations variées, tout en faisant varier les modes de dilution. Seulement après ces tests, on pourra valider définitivement un choix… ou presque !

Comment la préparer ?

A ce sujet, la dilution recommandée correspond à une boisson isotonique, cadre légal un peu ancien, pas très à jour, mais qui donne un point de repère à utiliser intelligemment. Il ne faudra pas mettre moins d’eau que ce qui est suggéré, car une boisson trop concentrée est d’autant plus indigeste. Au contraire, une boisson plus diluée sera plus facile à assimiler… Donc n’hésitez pas à mettre un peu plus d’eau que ce qui est conseillé (jusqu’à 2 fois plus, pas au delà, en situation de forte chaleur).
C’est ainsi que votre boisson sera mieux tolérée au niveau gustatif et digestif.

La bonne méthode de consommation ?

Il faut le répéter, encore et encore, on doit boire par petites quantités, régulières, et fréquentes. Donc une à deux gorgées toutes les 5 à 10 minutes seront mieux assimilées que 200 ml pris toutes les 20 minutes. La physiologie de la vidange gastrique est ainsi faite, et il est d’autant plus intéressant de la respecter qu’elle est le principal facteur limitant de la nutrition à l’effort. Comptez un total de 300 à 500ml d’eau par heure, voire plus, en fonction de votre gabarit et des conditions météo.

Considérez qu’un organisme sous-hydraté ne performe pas, et a beaucoup de mal à réguler sa température. Ne pas s’hydrater suffisamment c’est se mettre en danger… mais s’hydrater trop n’est pas moins dangereux, trouvez donc le bon compromis !

La quantité à prévoir ?

La capacité d’assimilation est limitée à 60g/h, de glucides voire moins pour les estomacs sensibles. Ne prévoyez donc pas davantage, et testez sur des sorties longues la combinaison solide-liquide.
Préférez les barres solides aux gels, qui sont hyper-concentrés, et nécessiteront un apport d’eau complémentaire en même temps qu’on les consomme, pour les rendre assimilables. Une barre demande en revanche un effort de mastication qui permet de la mélanger à la salive, de relancer la production de sucs digestifs, nécessaires à une bonne digestion. Si on considère une utilisation classique de 30g de poudre par heure pour faire de la boisson, il faudra compléter donc par un apport solide de l’ordre de 30g au maximum.

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Créer et ancrer de bonnes habitudes

Pour s’entraîner à courir longtemps, il faut courir longtemps !… J’ajouterais qu’il faut profiter des sorties longues et autres week-ends chocs, pour ancrer les bonnes habitudes. Donc on prépare les choses de manière structurée, on prévoit une quantité d’eau ou des ravitaillements adaptés à la durée prévue, voire un peu plus au cas où. On adapte le nombre de barres ou gels qu’on emporte (et la taille du sac poubelle qui vous permettra sagement de tout ramener à la maison sans rien laisser d’autre que les traces de vos pas dans la nature !!).

Donc en substance :

  • je commence à boire tout de suite
  • je bois souvent et par petites quantités (1 à 2 gorgées toutes les 5 à 10 minutes)
  • je vérifie bien que j’ai suffisamment bu à chaque fois que je sors mon bidon ou ma poche à eau pour refaire le plein
  • je mange par petites quantités, pas tout d’un coup, et je mastique assez longtemps pour avaler quelque chose de quasi liquide.

A la fin de ma sortie longue, je fais le point sur ce que j’ai bu, mangé, sur mes sensations gastriques, intestinales, sur ma sensation de contrôle mental (rester lucide c’est important, du début à la fin, et pas que pour gérer sa course !). J’en tire les conclusions, je teste encore une fois à la sortie longue suivante, en perfectionnant au besoin, et je mets en pratique à la prochaine course pour voir ce que ça donne « live »… Car le stress peut jouer de mauvais tours, même si on a tout organisé « au millimètre ».

Et pour les formats « courts » ?

Il semblerait que l’on parle surtout pour les coureurs de marathon et plus, mais ces règles sont en bonne partie applicables aux formats plus courts.

La durée étant moins importante, on éprouve beaucoup moins le besoin de manger du solide. Il faut ajouter aussi l’allure qui est généralement plus soutenue, et donc moins favorable à la digestion. La solution est tout simplement de n’utiliser qu’une boisson d’effort, en suivant les conseils donnés plus haut. Disons qu’à partir de 1h de course, elle commence à être vraiment intéressante. En tout cas, on ne peut imaginer de solution plus adaptée à ce genre de configuration.

Donc pour une course de montagne, un semi, un trail court, une course découverte que l’on fait pour s’initier, un bidon de boisson (300 à 500 ml) d’effort bien diluée par heure d’effort est tout à fait suffisant. Précaution d’usage pour les gels : de part leur forte concentration penser à boire au moment de la prise et ne mélanger par avec la boisson ou du ravitaillement solide (c’est le mélange de tout qui est explosif!). Sur un format court, ’alimentation solide demandera trop de temps et d’effort digestif pour être réellement efficace.

 

A bientôt pour parler de la récupération !

Jean Joyeux